« Es tu prête, Marpessa ? »
La Matriarche se releva, et inclina la tête à plusieurs reprises devant l’autel où un visage en pleurs trônait.
Les murs sombres de pierre montraient l’air glacial qui se dégageait des lieux. Dans sa robe de soie noire, la Marpessa se positionna devant l’autel, dos à la statue puis ouvrit les bras en croix.
« Es tu prête, Marpessa ? »
De nouveau, la Matriarche hocha de la tête. Non, elle ne l’était pas réellement, mais qui peut l’être réellement dans ce cas la ? Elle prit une grande inspiration et entonna un chant simple et doux, d’une voix glaciale mais réconfortante également. Une autre voix, plus posée, plus aigu, plus douce, se cala sur son chant.
« Une petite fille s’en va au loin.
Seule et blessée,
Elle te recherche.
Ô Mère damnée.
Une petite fille pleure dans son coin.
Elle est perdue et pleure en vain.
Elle cherche le salut,
Ô Mère damnée.
Une petite fille parcourt le monde,
A la recherche d’une chose immonde.
Elle t’oubliera,
Ô Mère damnée.
Cette petite fille met au monde,
Une autre fille et un garçon.
Quelle chose immonde.
Ô Mère damnée.
Petite fille, te voilà triste.
Ta fille vivra,
Ton fils mourra.
Ô Mère damnée, quelle chose immonde. »
« Petite fille, ton cœur est triste.
Petite fille, ton cœur est vide.
Ta foi et ton amour ont disparu.
Petite fille, ton cœur est froid.
Viens dans mes bras,
Et accueille moi.
Petite fille, ne m’oublie pas.
Car en toi, vis mon enfant.
Petite fille, vis pour moi. »
Sur ces dernières paroles, alors que le son résonnait encore contre les parois rocheuses et humides, une lumière blanchâtre transperça le corps fragile de la Matriarche. Ses yeux se révulsèrent et elle tomba en avant, les bras toujours ouverts. Son visage pâlit et devint aussi froid que ces lieux austères. Le sang s’écoulait péniblement le long de ses lèvres violettes et forma doucement une flaque cuivrée qui se colla dans ses longs cheveux noirs. Un rire s’échappa du corps meurtri et mourant. Un rire doux et empreint de folie. Avec force, le corps se releva, la tête basse, les cheveux couvrant son beau visage. Ses épaules sursautaient tout en suivant son rire.
« Es tu prête, Marpessa ? »
Le corps s’immobilisa et retomba lourdement sur le sol, telle une pierre dans un lac. Sa plaie se résorba et son teint se raviva.
« Même si tu ne l’es pas, ton heure est venue… Laisse la place à l’avenir. Fille de ma mère, fille de Vaïnack… »
Dans un immense bâtiment aux murs grisonnants sous les nuages et l’orage, des bottes résonnaient bruyamment et rapidement. Une jeune femme qui boitait, se dépêchait. Elle regardait devant elle, sur d’elle, rien ne pourrait l’arrêter, pas même ces satanées prêtresses. Non, elle devait la voir ! C’était son devoir de rester près d’elle jusqu’à la fin. Jusqu'au dernier souffle. Une enfant tenta de la stopper avec quelques mots gênés mais le regard froid et meurtrier de l’amazone l’en dissuada de suite. Cette femme l’effrayait. Une autre prêtresse au corps déformé par la vieillesse et au visage ridé se plaça devant elle.
- Que veux tu, Lolriel ?
- Vous n’avez pas le droit de passer, Guerrière. Répondit elle simplement.
- Et pourquoi ? répliqua l’amazone avec arrogance.
- L’heure n’est pas encore venue. La Matriarche n’est pas encore prête.
- Personne n’est prêt pour ça, Lolriel !!
Elle repoussa fermement la vieille femme et força le passage entre les autres dévouées à la Déesse. Quand la porte se referma, elle découvrit une femme aux joues creusées et le teint aussi pâle que la pleine lune. Elle ne put le nier, sa mère allait mourir. Ses yeux se brouillèrent mais la fierté et l’honneur Vaïnack revint rapidement. Elle s’avança vers sa génitrice et prit la main fébrile qu’elle lui tendait.
- Alcani, souffla t’elle.
- Mère.
- Tu es ma chère enfant… Oui, ma fille… Et je suis fière de toi.
- Ne dites rien.
Elle secoua la tête en signe de négation. Elle resserra son emprise sur le poignet de sa fille. Ses yeux étaient remplis de sérieux et de détermination.
Enfin me dira t'on !! Et oui, enfin et ... pis ... voila lol ^^